Diversité et inclusion : faut-il céder aux pressions politiques venues des États-Unis ?

Un tournant inquiétant pour les politiques de diversité aux États-Unis.
Depuis quelques mois, un vent glacial souffle sur les politiques de Diversité & Inclusion (D&I) aux États-Unis. Paramount, Pepsi, Walmart, Google, Facebook… toutes ont abandonné (sous la pression directe ou indirecte de la Maison Blanche) des programmes entiers de D&I. Dès les premières heures du mandat Trump, certaines entreprises se sont pliées à cette nouvelle ligne idéologique. Plus récemment encore, le 28 mars, la Maison Blanche adressait aux grandes entreprises européennes un message sans équivoque : "Mettez un terme à vos politiques de Diversité et d'Inclusion si vous souhaitez conserver vos contrats avec le gouvernement fédéral américain."
Un choc pour de nombreux observateurs, des deux côtés de l’Atlantique.
Entre inquiétude et résilience : comment les RH européens réagissent.
Dans ce contexte, comment les professionnels RH doivent-ils réagir ? Et que devons-nous faire en Europe, alors que certaines entreprises comme Orange sont déjà dans la ligne de mire et préfèrent, pour l’instant, ne pas commenter publiquement ?
Les DRH saluent les avancées en matière d’inclusion.
Deux convictions fortes émergent des échanges que j’ai eus avec plusieurs DRH ces dernières semaines :
- Les DRH sont fiers des progrès réalisés grâce aux politiques de diversité. Les politiques RH en faveur de la diversité ont permis de faire évoluer une culture d’entreprise plus inclusive, d’ouvrir des opportunités à une diversité de talents, et de renforcer durablement la performance des équipes.
- Mais les DRH restent prudents. Ils ne s’aventurent pas à prédire la position de leur COMEX à moyen terme, tant les enjeux économiques — notamment en lien avec les marchés américains — peuvent s’avérer déterminants, voire vitaux.
D&I à la française : une vision fondée sur l’égalité des chances.
Et maintenant, que fait-on ?
D’abord, il faut rappeler que l’Europe n’a jamais épousé la même vision que les États-Unis en matière de D&I. En France, la diversité en entreprise vise avant tout à garantir l’égalité des chances et à promouvoir l’inclusion professionnelle au cœur des politiques RH. Les quotas ethniques ou basés sur l’orientation sexuelle, qui existent depuis les années 1960 dans les universités américaines, n’ont jamais fait partie de notre réalité réglementaire ou culturelle.
Certes, les politiques américaines sont souvent influentes, parfois jusqu’à l’excès. Mais devons-nous, pour autant, jeter par-dessus bord toutes les avancées permises par les politiques de diversité en France ?
Absolument pas.
Une étude menée par l'Institut de recherche en économie et en psychologie de l'Université Paris-Dauphine a révélé que les organisations diversifiées et inclusives sont en moyenne 25 % plus productives que celles qui ne le sont pas.
Réinventer le langage de la diversité pour mieux la préserver.
Il est vrai que Trump a idéologisé le sujet au point d'en faire un totem à abattre. L’expression "Diversité & Inclusion" s’en trouve aujourd’hui abîmée. Mais cela ne veut pas dire que les principes qu’elle porte doivent être abandonnés.
Continuons à parler de méritocratie, d’égalité des chances, d’inclusion des talents. Et si certains mots sont devenus politiquement radioactifs, forgeons-en d’autres. L’important n’est pas le label, mais la réalité vécue dans nos organisations, à travers des pratiques RH inclusives et une évolution managériale équitable.
Garder la tête froide : la diversité doit rester un sujet rationnel.
Sortir de l’idéologie : replacer la diversité sur le terrain du factuel.
Un autre piège guette les professionnels RH : celui de l’émotion, de la polémique, et de l’idéologie.
Quand je vois encore le récent sondage publié par IPSOS, je m’interroge. Aucune des questions ne repose sur des données brutes. Les réponses reflètent uniquement des impressions subjectives, des jugements de valeur, des ressentis. C’est problématique. Car en plaçant la Diversité & Inclusion sur le terrain de l’opinion, on l’éloigne de sa dimension concrète et mesurable.
Et pourtant, les politiques de diversité ont produit des effets très tangibles. Dans le recrutement, elles ont ouvert l’accès à des profils plus variés. Dans l’évolution de carrière, elles ont permis à des talents longtemps invisibilisés d’émerger. Dans les pratiques managériales, elles ont encouragé une évolution managériale axée sur l’équité, la transparence et l’exigence professionnelle.
Ce n’est pas une affaire de "feeling", c’est une réalité observable. Et c’est cette rigueur qu’il nous faut préserver si nous voulons pérenniser les avancées obtenues.
RH : rester fermes et lucides face aux pressions politiques.
Conclusion : en tant que DRH, restons lucides, mais tenaces.
Les enjeux économiques sont réels. Les pressions politiques aussi. Mais notre rôle n’a jamais été d’obéir à la mode du moment. Il est d’agir avec responsabilité pour construire des environnements de travail plus justes, plus équitables, et moteurs de performance des équipes à long terme..
Et ça, cela reste plus que jamais d’actualité.

Ce contenu est extrait d'Un temps d’avance, notre newsletter mensuelle consacrée aux enjeux RH contemporains.
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