Stratégie de développement des compétences chez SCC France : Interview avec Béatrice Quertain


Béatrice Quertain est Responsable du Département Formation chez SCC France, où elle pilote la stratégie de formation des collaborateurs tout en supervisant l’organisme de formation interne SCC France Formation. Forte de son expérience et de son engagement au sein d'ASKALIA, 1er réseau français des acteurs et responsables du développement des compétences (ex. GARF), elle partage sa vision sur la gestion de la formation professionnelle et le rôle crucial du plan de formation.
Dans cet entretien, Béatrice Quertain, Responsable du Département Formation chez SCC France, revient sur la stratégie de développement des compétences au sein de l’entreprise, les leviers mobilisés pour soutenir l’apprentissage continu et le rôle essentiel des managers dans ce processus.
SCC France est la deuxième entreprise de services numériques en France. Forte de 2500 collaborateurs et d’un chiffre d’affaires de 3 milliards d’euros, elle accompagne les organisations dans leur transformation digitale à travers une offre très large allant de la logistique au Cloud, en passant par l’IA et l’IoT.
Comment décririez-vous la gestion de la formation chez SCC France ?
Notre organisation repose sur une direction RH structurée avec des pôles bien définis : paie, développement RH, recrutement, relations RH terrain, et formation professionnelle. Le département que je dirige gère la formation des collaborateurs et aussi celle de nos clients à travers notre organisme SCC France Formation. Notre mission est d’aligner la stratégie de développement des compétences avec les enjeux business de l’entreprise, notamment à travers un plan de développement des compétences adapté.

Quelle est la place du plan de développement des compétences dans cette stratégie RH ?
Depuis la réforme de 2018, nous parlons de plan de développement des compétences, ce qui reflète mieux notre rôle : identifier les compétences nécessaires à court et long terme, et créer les parcours permettant de les acquérir. Cette approche prend tout son sens dans un secteur technologique en perpétuelle évolution, où l’apprentissage continu devient une nécessité. Chez SCC, nous encourageons activement une culture de l’autonomie dans le développement professionnel. Chaque collaborateur est invité à devenir acteur de son parcours, en s’appropriant les ressources disponibles au sein de l’entreprise qu’il s’agisse d’opportunités de formation, de mobilité ou d’expériences transverses. Pour accompagner cette dynamique, nous avons construit une offre de formation riche, évolutive et accessible. Le catalogue comprend plusieurs centaines de programmes, dont environ 20 % sont disponibles en auto-inscription, sans validation managériale préalable. Les autres actions nécessitent une double validation (manager et directeur), et s’inscrivent dans un processus rigoureux encadré par un budget dédié, alloué par la direction et piloté par mon département. Ce fonctionnement garantit à la fois réactivité, qualité pédagogique et cohérence stratégique.
Chaque collaborateur est invité à devenir acteur de son parcours.
Comment assurez-vous l’alignement entre les objectifs business et la gestion de la formation ?
Nous bénéficions d’une grande proximité avec le comité de direction, ce qui nous permet d’avoir une vision claire et actualisée des priorités stratégiques de l’entreprise. Cette connexion directe, rendue possible notamment par le positionnement de la DRH qui est membre du Codir, favorise une circulation fluide des informations et une anticipation des évolutions organisationnelles. Dans un environnement en réorganisation constante, cette agilité est essentielle pour adapter notre offre de formation aux besoins émergents du marché et de nos clients. Mais cet alignement ne peut se faire sans un engagement fort des managers. Leur rôle est central à plusieurs niveaux. D’une part, ce sont eux qui portent les sujets de formation auprès de leurs équipes. D’autre part, ils sont les véritables sponsors de la montée en compétences. Leur implication est un pré-requis à l’impact réel des actions de formation sur le terrain. Car au-delà du plaisir d’apprendre ou des moments de cohésion que peut offrir une formation, l’objectif reste la progression des pratiques professionnelles.
Mais cet alignement ne peut se faire sans un engagement fort des managers. Leur rôle est central à plusieurs niveaux. D’une part, ce sont eux qui portent les sujets de formation auprès de leurs équipes. D’autre part, ils sont les véritables sponsors de la montée en compétences.
Quelles sont les grandes étapes pour construire un plan de développement des compétences efficace ?
La première étape de notre plan repose sur la campagne d'entretiens annuels. C’est un moment structurant durant lequel managers et collaborateurs font un point sur les formations passées et les besoins à venir. Cette étape permet de capter les retours « à froid », essentiels pour évaluer l'impact réel des formations dans la durée. Nous combinons ensuite cette remontée terrain avec les priorités stratégiques de l’entreprise, les obligations légales et les certifications exigées par nos partenaires technologiques. Ces demandes sont intégrées dans un outil et priorisées selon plusieurs critères : urgence, fréquence d’accès à la formation, enjeux business ou encore statut de la compétence visée. Mais au-delà de ce cadre formel, nous constatons que les demandes de formation émergent aussi tout au long de l’année, ce qui reflète une prise d’initiative croissante de la part des collaborateurs et des managers. Nous nous appuyons aussi sur un atout fort : une communauté de formateurs internes, experts métier, qui transmettent leur savoir à leurs pairs. Leurs formations, très contextualisées à notre réalité opérationnelle, sont plébiscitées et ressortent régulièrement comme les plus appréciées.
Mais au-delà de ce cadre formel, nous constatons que les demandes de formation émergent aussi tout au long de l’année, ce qui reflète une prise d’initiative croissante de la part des collaborateurs et des managers.

Comment gérez-vous les arbitrages et la priorisation des demandes ?
Nous priorisons selon trois grands axes : les besoins business, les certifications à maintenir, et le taux d'accès individuel à la formation. Un collaborateur qui n’a pas été formé depuis longtemps sera naturellement priorisé. Nous faisons aussi le choix de ne pas dépasser trois ans sans action de formation pour nos collaborateurs, là où la loi impose une action tous les six ans, preuve de notre engagement. En cas d’arbitrage complexe, la décision peut être remontée au comité de direction. Mais dans la majorité des cas, nous trouvons des solutions en interne, grâce à une forte collaboration entre la DRH, les managers et mon équipe. Nous adoptons une logique de service : les collaborateurs sont nos clients internes, et nous nous efforçons de répondre au mieux à leurs besoins. Et je le dis souvent : la formation, c’est un investissement, sûrement pas une dépense. Nous devons être vus comme un service qui investit dans la compétence et qui contribue directement à la compétitivité de l’entreprise. En développant les savoir-faire et les savoir-être de nos collaborateurs, nous participons pleinement à la performance collective et à la réussite du business.
La formation, c’est un investissement, sûrement pas une dépense. Nous devons être vus comme un service qui investit dans la compétence et qui contribue directement à la compétitivité de l’entreprise.
Avez-vous un exemple concret d’un projet emblématique de votre politique de formation ?
La Sales Academy est une belle illustration de notre vision. Ce programme interne forme sur un an nos jeunes commerciaux à fort potentiel. Il alterne des temps d’apprentissage et des mises en situation, en lien direct avec le terrain et les offres de SCC. Ce dispositif témoigne de notre volonté d’investir dans l’humain et d’ancrer la formation dans une logique business. Cette approche est rendue possible grâce au soutien actif de la direction et à des partenariats avec des acteurs clés du secteur comme Dell.
Comment évaluez-vous l’efficacité des formations ?
L’évaluation se fait en trois temps : avant (ciblage du besoin), pendant (qualité de l’animation), et surtout après la formation (impacts sur les pratiques professionnelles). Si l’évaluation à chaud est systématique, c’est le feedback à froid, recueilli plusieurs mois après, qui nous permet de mesurer l’impact réel sur les pratiques professionnelles. Sur les parcours stratégiques, nous définissons des KPIs en amont pour mesurer l’évolution concrète des compétences. Cela peut passer par des indicateurs business ou RH, co-construits avec les organismes de formation partenaires. Lorsqu’un programme n’est plus pertinent, il est tout simplement retiré du catalogue, preuve de notre exigence qualité et de notre logique d’amélioration continue.
Quel rôle jouent les managers dans le succès de votre stratégie de gestion de la formation ?
Leur implication est capitale. Sans eux, une formation ne produira jamais les effets attendus. Nous les sensibilisons à la méthode « 5-0-5 » : cinq minutes pour préparer le collaborateur en amont, zéro interruption pendant la formation, et cinq minutes pour débriefer après. Ce rituel simplet et non chronophage permet d’ancrer les apprentissages dans le quotidien professionnel. Dans les parcours à fort enjeu, les managers participent également à l’évaluation avant, pendant et après la formation. Ils deviennent ainsi des acteurs clés du pilotage des compétences et de l’accompagnement au changement.
Nous les sensibilisons à la méthode « 5-0-5 » : cinq minutes pour préparer le collaborateur en amont, zéro interruption pendant la formation, et cinq minutes pour débriefer après.

Quelles sont les tendances que vous observez dans le monde de la formation ?
L’une des évolutions majeures que je constate aujourd’hui, c’est l’arrivée de l’intelligence artificielle dans les dispositifs de formation. Elle transforme la manière dont on conçoit les parcours de formation et elle permet notamment d’aller vers plus d’adaptive learning, en proposant des contenus personnalisés selon le rythme et les besoins de chacun. Cela s’inscrit dans un mouvement plus large de digitalisation, qui ne remplace pas l’humain mais vient enrichir l’expérience, notamment à travers des formats immersifs comme la réalité virtuelle. On observe également une montée en puissance des parcours multimodaux, combinant hard skills et soft skills. Mais au-delà des outils, la tendance la plus structurante, selon moi, c’est la montée d’une culture de l’auto-apprentissage. Les collaborateurs doivent devenir acteurs de leur développement. Une formation n’est réellement efficace que si elle est choisie, comprise et portée par celui qui la suit. Et pour cela, il faut une synergie forte entre RH, managers… et surtout, motivation individuelle.
L’une des évolutions majeures que je constate aujourd’hui, c’est l’arrivée de l’intelligence artificielle dans les dispositifs de formation.
Mais au-delà des outils, la tendance la plus structurante, selon moi, c’est la montée d’une culture de l’auto-apprentissage. Les collaborateurs doivent devenir acteurs de leur développement.
Un mot de conclusion ?
La formation est un métier passion, profondément ancré dans l’humain. Ce n’est jamais routinier : il faut innover, se réinventer, faire preuve de créativité et relever sans cesse de nouveaux défis. Mais c’est justement ce qui en fait un métier aussi stimulant que porteur de sens. Chez SCC, tout le monde passe par la formation, quels que soient son poste ou son niveau. C’est ce qui rend notre mission si riche : nous connaissons chaque collaborateur, et chaque collaborateur nous connaît. La formation touche à la fois à la performance, à l’évolution professionnelle, mais aussi au bien-être au travail. C’est un levier universel, profondément humain. Et si l’intelligence artificielle bouscule nos pratiques, elle ne remplacera jamais le lien, l’écoute, l’envie de transmettre. Ce sont là les fondations de notre métier.
La formation est un métier passion, profondément ancré dans l’humain. Ce n’est jamais routinier : il faut innover, se réinventer, faire preuve de créativité et relever sans cesse de nouveaux défis. Mais c’est justement ce qui en fait un métier aussi stimulant que porteur de sens.
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